Emmanuel Levinas élabore sa pensée dans le contexte traumatique du 20e siècle, particulièrement marqué par la Shoah qui décime sa famille. Né en 1906 en Lituanie, il se forme intellectuellement en France puis en Allemagne, où il suit l'enseignement de Husserl et Heidegger à Fribourg en 1928, assistant notamment à la célèbre dispute de Davos entre Heidegger et Cassirer.
Sa philosophie émerge dans un paysage dominé par la phénoménologie allemande et l'existentialisme, qu'il contribue à introduire en France. Cependant, il s'éloigne progressivement de l'ontologie heideggerienne pour développer une pensée originale faisant de l'éthique, et non plus de l'ontologie, la "philosophie première".
Son œuvre se construit autour de plusieurs moments clés : ses premières œuvres majeures comme "De l'existence à l'existant" après la guerre, puis le développement complet de son éthique de la relation à autrui dans "Totalité et Infini" (1961).
Sa pensée se nourrit d'une double culture, philosophique et juive, notamment à travers ses commentaires talmudiques réguliers à partir de 1957. Il développe une nouvelle langue philosophique avec des concepts comme le visage, la trace ou la substitution, proposant une réponse éthique aux tragédies de son temps qui trouve un écho croissant dans le monde universitaire à partir des années 1980.
"Le visage est (...) ce dont le sens consiste à dire :“Tu ne tueras point.”"
— conscienceSelon Lévinas, le visage est la manifestation de l”autre qui me parle et m”interpellant. La conscience émerge lorsque je reconnais l”autre comme un être à protéger, comme un être sacré qui mérite la vie („Tu ne tueras point“).
La jouissance égoïste est la première séparation du Même
Cette séparation est nécessaire à la relation éthique
Donc le bonheur égoïste précède l'éthique
Le visage d'autrui m'ordonne une responsabilité infinie
Cette responsabilité se traduit en devoirs concrets
Donc le devoir vient de la rencontre d'autrui
Le visage d'autrui commande la responsabilité
Cette responsabilité fonde la justice
Donc la justice est éthique
Le temps vient de l'autre
Cette altérité est éthique
Donc le temps est éthique