Bacon vit à l'époque élisabéthaine et jacobéenne, une période de relative stabilité politique en Angleterre après les troubles religieux du XVIe siècle. Il mène une carrière politique sous les règnes d'Élisabeth Ier et de Jacques Ier, atteignant la position de Lord Chancelier.
C'est une époque d'expansion coloniale et de développement du commerce international pour l'Angleterre. La Renaissance a ravivé l'intérêt pour les textes antiques et encouragé une nouvelle approche du savoir.
La Réforme protestante a remis en question l'autorité de l'Église catholique, y compris dans le domaine du savoir. L'aristotélisme et la scolastique dominent encore largement la pensée universitaire.
Les découvertes géographiques et les premières explorations scientifiques commencent à remettre en question les connaissances traditionnelles. Bacon s'oppose à la méthode scolastique et à l'autorité d'Aristote, prônant une approche empirique et inductive de la connaissance.
Il cherche à développer une nouvelle méthode scientifique basée sur l'observation et l'expérimentation. Sa pensée vise à réformer le savoir pour le rendre plus utile à l'amélioration de la condition humaine.
Il anticipe le développement de la science moderne et de la méthode expérimentale qui s'épanouiront au siècle suivant.
"On ne commande à la Nature qu’en lui obéissant."
— techniqueSelon Bacon, pour obtenir des résultats dans les sciences et la technologie (la "Nature"), il faut d”abord comprendre ses lois et mecanismes ("lui obéissant"). Il est impossible de forcer ou de contraindre la Nature si l”on ne la comprend pas.
Le savoir est pouvoir sur la nature
Ce pouvoir sert le progrès humain
Donc la nature est à maîtriser
« Le plaisir et les agrēments de la connaissance surpassent de beaucoup tous les autres plaisirs de la nature. En effet, est-ce que les plaisirs des passions ne dēpassent pas ceux des sens autant que l’obtention de ce qu’on dēsire, c’est-ā-dire la victoire, dēpasse une chanson ou un souper ? Ne faut-il pas, par consēquent, que les plaisirs de l’intellect, c’est-ā-dire la comprēhension, dēpassent les plaisirs des passions ? Nous voyons bien que, dans tous les autres plaisirs, la satiētē (1) existe. Quand on en a pris l’habitude, leur fraīche vivacitē s’en va, ce qui montre bien qu’ils sont, non des plaisirs, mais des illusions de plaisir : c’est la nouveautē qui plaisait, non ce qu’ils ētaient. Voilā pourquoi l’on voit des hommes de voluptē se faire moines et des monarques ambitieux devenir mēlancoliques. Du savoir, au contraire, on n’est jamais rassasiē ; satisfaction et appētit s’ēchangent en permanence, ēquivalents l’un ā l’autre. Par consēquent, le savoir apparaīt comme le bien simple en soi, dēnuē de toute tromperie ou d’accident. »
Bacon, Du progrēs et de la promotion des savoirs (1605)
Le plaisir et les agréments de la connaissance surpassent tous les autres plaisirs.
« La vanité de l'esprit humain l'écarte et le retarde dans sa marche. Il craint de s'avilir (1) dans les détails. Méditer sur un brin d'herbe, raisonner sur une mouche : manier le scalpel, disséquer des atomes, courir les champs pour trouver un caillou, quelle gloire y a-t-il, dans ces occupations mécaniques ; mais surtout quel profit, au prix de la peine ? Cette erreur prend sa source dans une autre qui part du même orgueil, et c'est la persuasion, où l'on s'entretient, que la vérité est comme innée dans notre entendement, qu 'elle ne peut y entrer par les sens, qui servent plutôt à le troubler qu'à l'éclairer. Cette prévention (2), ou plutôt cette aliénation de l'esprit, est fomentée par les partisans mêmes des sens ; car en prétendant que nous recevons toutes les vérités par ce canal, ils n'ont pas laissé (3) de perdre leur temps à la spéculation, et d'abandonner l'histoire de la nature, pour suivre les écarts de l'imagination. L'entendement crée des êtres à sa façon, c'est-à-dire, des êtres imaginables. Ses conceptions lui représentent la possibilité, et non pas l'existence des choses. De là le règne des idées abstraites, ou le monde fantastique des intellectuels, tellement accrédité par une espèce de superstition pour les choses outrées, que leurs rêves sont devenus un délire général. Tel est l'abus de cette métaphysique qui, supposant des images sans modèles, et des idées sans objet, fait de cet univers une illusion perpétuelle, et comme un chaos de ténèbres palpables. Le dégoût pour ce qu'on appelle les petites choses dans l'observation, est la marque d'un esprit étroit, qui n'aperçoit pas l'ensemble des parties et l'unité des principes. Tout ce qui entre dans l'essence des causes, est l'objet de la science de l'homme ; car la science n'est elle-même que la connaissance des causes. »
Bacon, (1561-1626), Pensées et vues générale ou récapitulation
L'erreur qui consiste à croire que la vérité est innée dans notre entendement.
« Quant ā l’idēe que l’instruction inclinerait les hommes ā une vie retirēe et oisive, et les rendrait paresseux : ce serait lā une bien ētrange chose, si ce qui accoutume l’esprit ā ētre perpētuellement en mouvement induisait ā la paresse ! Tout au contraire, on peut assurēment affirmer qu’aucune espēce d’homme n’aime le travail pour lui- mēme, sauf ceux qui sont instruits. Les autres l’aiment pour le profit, comme un mercenaire pour la solde (1), ou encore pour l’honneur, car il les ēlēve aux yeux des gens et redore une rēputation qui autrement ternirait, ou parce qu’il leur donne une idēe de leur puissance, en leur fournissant la possibilitē d’occasionner du plaisir ou de la peine, ou parce qu’il met ā l’œuvre telle de leurs facultēs dont ils s’enorgueillissent, ce qui alimente leur bonne humeur et l’opinion agrēable qu’ils ont d’eux-mēmes, ou enfin parce qu’il fait avancer n’importe quel autre de leurs projets. De la valeur personnelle fausse, on dit que celle de certains se trouve dans les yeux des autres. De la mēme façon, les efforts des gens que je viens d’ēvoquer sont dans les yeux des autres, ou du moins relatifs ā quelques desseins particuliers. Seuls les hommes instruits aiment le travail comme une action conforme ā la nature, et qui convient ā la santē de l’esprit autant que l’exercice physique convient ā la santē du corps. Ils prennent plaisir dans l’action elle-mēme, non dans ce qu’elle procure. Par consēquent, ils sont les plus infatigables des hommes quand il s’agit d’un travail qui puisse retenir leur esprit. »
Bacon, Du progrēs et de la promotion des savoirs (1605)
Le travail est en soi une forme d'activité agréable pour les hommes instruits.