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Montaigne

1533 – 1592

Biographie & Contexte

Michel de Montaigne est né dans une France du XVIe siècle marquée par les guerres de religion et de profondes mutations intellectuelles liées à la Renaissance. Issu d'une famille de riches marchands bordelais récemment anoblie, il reçoit une éducation humaniste poussée, apprenant le latin dès son plus jeune âge.

Après des études de droit, il entame une carrière de magistrat au parlement de Bordeaux, où il se lie d'amitié avec Étienne de La Boétie. Le contexte des guerres de religion (1562-1598) entre catholiques et protestants le pousse à développer une philosophie de la tolérance et du scepticisme.

Catholique modéré, Montaigne cherche une voie médiane entre les extrêmes religieux de son époque. Retiré dans son château en 1571, il se consacre à l'écriture de ses Essais, œuvre dans laquelle il développe une réflexion personnelle sur l'homme et le monde, influencée par sa lecture des auteurs antiques et son expérience.

Sa pensée se caractérise par un scepticisme bienveillant, une valorisation de l'expérience personnelle et une remise en question des certitudes de son temps. Maire de Bordeaux de 1581 à 1585, il joue un rôle diplomatique important entre les différentes factions religieuses.

Son œuvre, qui mêle réflexions philosophiques et observations personnelles, marque une rupture avec la pensée scolastique médiévale et ouvre la voie à une nouvelle forme de philosophie, plus personnelle et empirique.

Citations Célèbres

"Qui se connaît connaît aussi les autres car chaque homme porte la forme entière de l’humaine condition."

— nature

Nous sommes tous porteurs des mêmes qualités et défauts. En connaissant notre propre nature, nous pouvons ainsi mieux apprécier et comprendre celle des autres.

"Philosopher, c’est apprendre à mourir."

— bonheur

Pour Montaigne, philosopher signifie apprendre à accepter la mort comme partie de la vie. Cette citation montre que le bonheur ne réside pas dans l”évasion ou la négation de la mortalité, mais bien dans l”acceptation sereine et lucide de son caractère inévitable.

Thèses Principales

Majeure

Se connaître rend libre

Mineure

Cette liberté apporte la joie

Conclusion

Donc le bonheur est sagesse

Textes à l'étude

la quête de la vérité et la reconnaissance de notre faiblesse
Extrait de : Apologie de Raymond Sebond

« Il me faut voir enfin, s'il est en la puissance de l'homme de trouver ce qu'il cherche, et si cette quête qu'il a employée depuis tant de siècles, l'a enrichi de quelque nouvelle force et de quelque vérité solide. Je crois qu'il me confessera, s'il parle en conscience, que tout l'acquêt (1) qu'il a retiré d'une si longue poursuite, c'est d'avoir appris à reconnaître sa faiblesse. L'ignorance qui était naturellement en nous, nous l'avons, par longue étude, confirmée et avérée. Il est advenu aux gens véritablement savants ce qu'il advient aux épis de blé : ils vont s'élevant et se haussant la tête droite et fière ; mais, quand ils sont pleins et grossis de grain en leur maturité, ils commencent à s'humilier et à baisser les cornes. Pareillement les hommes ayant tout essayé et tout sondé, n'ayant trouvé en cet amas de science et provision de tant de choses diverses rien de massif et ferme, et rien que vanité, ils ont renoncé à leur présomption et reconnu leur condition naturelle. »
Montaigne, Apologie de Raymond Sebond

Thèse

L'homme a appris à reconnaître sa faiblesse grâce à ses recherches et études.

la vertu, bien au-delà  de la bonté innée
Extrait de : Essais

« Il me semble que la vertu est chose autre, et plus noble, que les inclinations à la bonté qui naissent en nous. Les âmes réglées d'elles-mêmes et bien nées, elles suivent même train, et représentent en leurs actions même visage que les vertueuses ; mais la vertu sonne je ne sais quoi de plus grand et de plus actif que de se laisser, par une heureuse complexion (1), doucement et paisiblement conduire à la suite de la raison. Celui qui, d'une douceur et facilité naturelle, mépriserait les offenses reçues, ferait sans doute chose très belle et digne de louange ; mais celui qui, piqué et outré jusqu'au vif d'une offense, s'armerait des armes de la raison contre ce furieux appétit de vengeance, et après un grand conflit s'en rendrait enfin maître, ferait sans doute beaucoup plus. Celui-là ferait bien, et celui-ci vertueusement : l'une action se pourrait dire bonté, l'autre vertu ; car il semble que le nom de la vertu présuppose de la difficulté au combat et du contraste, et qu'elle ne peut être sans partie (2). C'est à l'aventure pourquoi nous nommons Dieu (3), bon, fort, et libéral, et juste ; mais nous ne le nommons pas vertueux ; ses opérations sont toutes naïves et sans effort. »
Montaigne, Essais

Thèse

La vertu est quelque chose de plus noble que les bonnes inclinations.

la complexité des lois face à  la diversité des actions humaines
Extrait de : Essais

« Qu'ont gagné nos législateurs à distinguer cent mille espèces et faits particuliers et à y attacher cent mille lois ? Ce nombre n'a aucune proportion avec l'infinie diversité des actions humaines. La multiplication de nos créations n'arrivera pas au niveau de la variété des exemples. Ajoutez-y cent fois plus : il n'arrivera pas, pour autant, que, parmi les événements, il s'en trouve quelqu'un qui, dans tout ce grand nombre de milliers d'événements choisis et enregistrés, en rencontre un autre auquel il puisse se joindre et s'égaler très exactement : il restera toujours en lui quelque particularité et différence qui requiert une façon différente de juger à son sujet. Il y a peu de rapport entre nos actions, qui sont en perpétuel changement, et les lois fixes et immobiles. Les lois les plus désirables sont celles qui sont les plus simples et les plus générales ; et je crois même qu'il vaudrait mieux ne pas en avoir du tout que de les avoir en nombre tel que nous les avons. »
Montaigne, Essais (1580)

Thèse

La multiplication des lois n'arrivera pas à égaler la variété des actions humaines.

la vérité, vertu fondamentale de l'âme libre
Extrait de : Essais

« Apollonios (1) disait qu'il appartenait aux esclaves de mentir et aux hommes libres de dire la vēritē. C'est la premiēre partie de la vertu, la partie fondamentale. Il faut l'aimer pour elle-mēme. Celui qui dit vrai parce qu'il y est par ailleurs obligē et parce que cela lui est utile et qui ne craint pas de dire un mensonge quand cela n'a d'importance pour personne n'est pas suffisamment vēritable (2). Mon āme, par sa nature, fuit fermement la menterie et en dēteste mēme la pensēe. J'ai une honte intērieure et un remords piquant (3) si parfois le mensonge m'ēchappe (4), comme parfois il m'ēchappe quand les circonstances me surprennent et me troublent ā l'improviste. Il ne faut pas toujours tout dire, car ce serait une sottise ; mais ce qu'on dit, il faut que ce soit tel qu'on le pense ; autrement, c'est de la perversitē. Je ne sais pas quel avantage mes contemporains attendent de la feinte et de la dissimulation continuelle de leurs pensēes si ce n'est de n'ētre pas crus lors mēme qu'ils disent la vēritē; cela peut tromper une fois ou deux les hommes ; mais proclamer ouvertement que l'on dissimule, et se vanter, comme l'ont fait certains de nos princes, qu'ils jetteraient leur chemise au feu si elle ētait dans le secret de leurs intentions […], et dire que si l'on ne sait pas feindre, on ne sait pas rēgner, c'est avertir ceux qui ont ā nēgocier avec eux qu'il n'y a que tromperie et mensonge dans ce qu'ils leur disent. »
Montaigne, Essais (1580)

Thèse

Dire la vérité est une vertu essentielle. 

les griffes de la coutume : un piège pour la pensée**
Extrait de : Les Essais

« Les lois de la conscience, dont nous disons qu’elles naissent naturellement, naissent de la coutume : chacun ayant en intime vēnēration les opinions et les mœurs approuvēes et admises autour de lui ne peut s’en dētacher sans remords ni s’y appliquer sans contentement. Quand les Crētois, au temps passē, voulaient maudire quelqu’un, ils priaient les dieux de l’engager dans quelque mauvaise habitude. Mais le principal effet de la puissance de la coutume, c’est de nous saisir et de nous prendre dans ses serres de telle sorte qu’il nous soit difficilement possible de nous dēgager de sa prise et de rentrer en nous pour rēflēchir et soumettre ses prescriptions au raisonnement. En vēritē, parce que nous les absorbons avec le lait de notre naissance et que le visage du monde se prēsente dans cet ētat ā notre premiēre vue, il semble que nous soyons nēs ā suivre ce train-lā. Et les opinions courantes, que nous trouvons en crēdit autour de nous (1), et qui sont infusēes en notre āme par la semence de nos pēres, il semble que ce soit les opinions gēnērales et naturelles. Par lā il arrive que ce qui est hors des gonds de la coutume, on le croit hors des gonds de la raison : Dieu sait combien il est dēraisonnable de croire cela le plus souvent. Si, comme nous, qui nous ētudions, avons appris ā le faire, chaque homme qui entend une pensēe juste regardait sur le champ par oū elle le concerne directement, il trouverait qu’elle n’est pas tant un bon mot qu’un bon coup de fouet ā la bētise ordinaire de son jugement. »
Montaigne, Les Essais (1580)

Thèse

La conscience se forme à partir des coutumes et des habitudes qui nous entourent. C'est en absorbant ces valeurs que nous apprenons ce qui est "normal" ou "désirable". La pensée critique et la raison sont souvent absentes de cette formation, nous faisant croire que nos opinions sont naturelles et universelles.

l'incertitude de notre jugement et la diversité des opinions
Extrait de : Les Essais

« Le fait qu'on ne voit aucune thèse qui ne soit débattue et controversée (1) entre nous, ou qui ne puisse l'être, montre bien que notre jugement naturel ne saisit pas bien clairement ce qu'il saisit, car mon jugement ne peut pas le faire admettre par le jugement de mon semblable : ce qui est le signe que je l'ai saisi par quelque autre moyen que par un pouvoir naturel qui serait en moi et en tous les hommes. Laissons de côté cette confusion infinie d'opinions que l'on voit parmi les philosophes eux-mêmes, et ce débat perpétuel et général sur la connaissance des choses. On a tout à fait raison, en effet, d'admettre que sur aucune chose les hommes – je veux dire les savants les mieux nés, les plus capables – ne sont d'accord, pas même sur le fait que le ciel est sur notre tête, car ceux qui doutent de tout doutent aussi de cela ; et ceux qui nient que nous puissions comprendre quelque chose disent que nous n'avons pas compris que le ciel est sur notre tête ; et ces deux opinions sont, par le nombre, incomparablement les plus fortes. Outre cette diversité et cette division infinies, par le trouble que notre jugement nous donne à nous-mêmes et par l'incertitude que chacun sent en lui, il est aisé de voir que ce jugement a son assise (2) bien mal assurée. Comme nous jugeons différemment des choses ! Combien de fois changeons-nous d'opinions ! Ce que je soutiens aujourd'hui et ce que je crois, je le soutiens et le crois de toute ma croyance ; toutes mes facultés et toutes mes forces empoignent cette opinion et m'en répondent sur tout leur pouvoir. Je ne saurais embrasser (3) aucune vérité ni la conserver avec plus de force que je ne fais pour celle-ci. J'y suis totalement engagé, j'y suis vraiment engagé ; mais ne m'est-il pas arrivé, non pas une fois, mais cent, mais mille, et tous les jours, d'avoir embrassé quelque autre opinion avec ces mêmes instruments, dans ces mêmes conditions, opinion que, depuis, j'ai jugée fausse ? »
Montaigne, Les Essais (1580)

Thèse

Le fait que nous ne voyions aucune vérité qui ne soit débattue et controversée montre bien que notre jugement naturel ne saisit pas bien clairement ce qu'il saisit.

l'incertitude du jugement et la diversité des opinions
Extrait de : Les Essais

« Le fait qu'on ne voit aucune thèse qui ne soit débattue et controversée (1) entre nous, ou qui ne puisse l'être, montre bien que notre jugement naturel ne saisit pas bien clairement ce qu'il saisit, car mon jugement ne peut pas le faire admettre par le jugement de mon semblable : ce qui est le signe que je l'ai saisi par quelque autre moyen que par un pouvoir naturel qui serait en moi et en tous les hommes. Laissons de côté cette confusion infinie d'opinions que l'on voit parmi les philosophes eux-mêmes, et ce débat perpétuel et général sur la connaissance des choses. On a tout à fait raison, en effet, d'admettre que sur aucune chose les hommes – je veux dire les savants les mieux nés, les plus capables – ne sont d'accord, pas même sur le fait que le ciel est sur notre tête, car ceux qui doutent de tout doutent aussi de cela ; et ceux qui nient que nous puissions comprendre quelque chose disent que nous n'avons pas compris que le ciel est sur notre tête ; et ces deux opinions sont, par le nombre, incomparablement les plus fortes. Outre cette diversité et cette division infinies, par le trouble que notre jugement nous donne à nous-mêmes et par l'incertitude que chacun sent en lui, il est aisé de voir que ce jugement a son assise (2) bien mal assurée. Comme nous jugeons différemment des choses ! Combien de fois changeons-nous d'opinions ! Ce que je soutiens aujourd'hui et ce que je crois, je le soutiens et le crois de toute ma croyance ; toutes mes facultés et toutes mes forces empoignent cette opinion et m'en répondent sur tout leur pouvoir. Je ne saurais embrasser (3) aucune vérité ni la conserver avec plus de force que je ne fais pour celle-ci. J'y suis totalement engagé, j'y suis vraiment engagé ; mais ne m'est-il pas arrivé, non pas une fois, mais cent, mais mille, et tous les jours, d'avoir embrassé quelque autre opinion avec ces mêmes instruments, dans ces mêmes conditions, opinion que, depuis, j'ai jugée fausse ? »
Montaigne, Les Essais (1580)

Thèse

Le fait que notre jugement naturel soit incertain et sujet à débat montre qu'il ne saisit pas bien clairement les choses.

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