Plotin est né vers 205 ap. J.-C. en Égypte, alors province de l'Empire romain. Son époque est marquée par une crise politique et militaire de l'Empire romain, connue comme la "crise du IIIe siècle". Il a vécu sous plusieurs empereurs, dont Philippe l'Arabe et Gallien, dans un contexte d'instabilité politique.
Plotin a étudié la philosophie à Alexandrie auprès d'Ammonios Saccas pendant 11 ans (232-243). Alexandrie était alors un important centre intellectuel où coexistaient diverses traditions philosophiques et religieuses.
Il fait la synthèse des traditions platonicienne, aristotélicienne et stoïcienne opérée par son maître Ammonios Saccas. Il symbolise la rencontre entre la pensée grecque et les courants mystiques orientaux.
Plotin s'installe à Rome vers 244 et y fonde son école de philosophie. Il bénéficie de la protection de l'empereur Gallien, ce qui lui permet de développer librement sa pensée. Sa philosophie vise à offrir une voie de salut individuel par l'élévation spirituelle, dans un monde perçu comme en déclin.
« Dire que le bonheur résulte de beaucoup d'années et de beaucoup d'actions, c'est le composer d'êtres qui ne sont plus, d'événements passés et de l'instant présent qui est unique. C'est pourquoi nous avions posé ainsi la question : le bonheur étant dans chaque instant présent, est-ce être plus heureux qu'être heureux plus longtemps ? La question est maintenant de savoir si la plus longue durée du bonheur, en permettant des actions plus nombreuses, ne rend pas aussi le bonheur plus grand. D'abord, on peut être heureux sans agir, et non pas moins heureux mais plus heureux qu'en agissant. Ensuite l'action ne produit aucun bien par elle-même ; ce sont nos dispositions intérieures qui rendent nos actions honnêtes ; le sage, quand il agit, recueille le fruit non pas de ses actions elles-mêmes ni des événements, mais de ce qu'il possède en propre. Le salut de la patrie peut venir d'un méchant ; et si un autre en est l'auteur, le résultat est tout aussi agréable pour qui en profite. Cet événement ne produit donc pas le plaisir particulier à l'homme heureux ; c'est la disposition de l'âme qui crée et le bonheur et le plaisir qui en dérive. Mettre le bonheur dans l'action, c'est le mettre en une chose étrangère à la vertu et à l'âme ; l'acte propre de l'âme consiste à être sage ; c'est un acte intérieur à elle-même, et c'est là le bonheur. »
Plotin, Ennéades
Le bonheur réside en une disposition intérieure, non en la durée ou l'action.
« Considērons maintenant l’āme dans le corps, qu’elle existe d’ailleurs avant lui ou seulement en lui ; d’elle et du corps se forme le tout appelē animal. Si le corps est pour elle comme un instrument dont elle se sert, elle n’est pas contrainte d’accueillir en elle les affections du corps, pas plus que l’artisan ne ressent ce qu’ēprouvent ses outils : mais peut-ētre faut-il qu’elle en ait la sensation, puisqu’il faut qu’elle connaisse, par la sensation, les affections extērieures du corps, pour se servir de lui comme d’un instrument : se servir des yeux, c’est voir. Or, elle peut ētre atteinte dans sa vision, et par consēquent, subir des peines, des souffrances, et tout ce qui arrive au corps ; elle ēprouve aussi des dēsirs, quand elle cherche ā soigner un organe malade. Mais comment ces passions viendront-elles du corps jusqu’ā elle ? Un corps communique ses propriētēs ā un autre corps ; mais ā l’āme ? Ce serait dire qu’un ētre pātit (1) de la passion d’un autre. Tant que l’āme est un principe qui se sert du corps, et le corps un instrument de l’āme, ils restent sēparēs l’un de l’autre ; et si l’on admet que l’āme est un principe qui se sert du corps, on la sēpare. Mais avant qu’on ait atteint cette sēparation par la pratique de la philosophie, qu’en ētait-il ? Ils sont mēlēs : mais comment ? Ou bien c’est d’une des espēces de mēlanges ; ou bien il y a entrelacement rēciproque ; ou bien l’āme est comme la forme du corps, et n’est point sēparēe de lui ; ou bien elle est une forme qui touche le corps, comme le pilote touche son gouvernail ; ou bien une partie de l’āme est sēparēe du corps et se sert de lui, et une autre partie y est mēlangēe et passe elle-mēme au rang d’organe. »
Plotin, Ennēades
Considerons maintenant l’āme et le corps comme des entités qui se servent l’une de l’autre, sans que l’un soit contraint d’accueillir les affections de l’autre.